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La vie et ses soupirs

"Je, tu, nous, vous, ils"

Synopsis

A la fin des années quatre-vingt-dix, un petit village du centre de la France entre dans la saison estivale. Rythmés par les allers-retours entre les fermes et les marchés, les habitants vivent simplement avec leurs traditions. Ici l'amitié, le partage et l'entraide sont bien plus que des valeurs, ce sont les maîtres mots qui dirigent toute la communauté. Le secret n'existe pas.

Trois amis vivent dans ce village depuis toujours. Ils ont été gardé par la même femme quand ils étaient enfants et sont depuis inséparables. Âgés d'une vingtaines d'années, il est pourtant temps pour l'un entre eux de prendre son envol, laissant ses deux amis livrés à eux même et à la dureté de la vie.

Marc prépare secrètement son départ depuis des mois. Seuls ses amis, Catherine et Louis sont au courant de son engagement dans l'armée. Le jour du départ est arrivé. Il faut dire au revoir, notamment à Catherine avec qui Marc a une relation depuis quelques années "en secret". Après le départ du car, Catherine ne trouve pas l'étalage de Jacques, le mari de sa mère, au marché du village. L'homme est au chevet de sa femme qui est sur le point de mourir. Quelques semaines plus tard, Catherine apprend qu'elle est enceinte de Marc. Elle décide de garder l'enfant et de l'élever seule, contre l'avis de sa communauté. Elle peut compter sur l'aide de son meilleur ami, Louis, jusqu'à ce que ce dernier lui annonce qu'il a des sentiments pour elle. Attristé par la non réciprocité de ses sentiments, il se tuera lors d'un accident de voiture. Sa mort déchirera Catherine. Elle se retrouve alors seule pour élever son enfant qui ne connaîtra peut-être jamais son père. Pourtant, trois ans plus tard Marc fera son retour au village.

Scène 1

Jour d'été. Catherine, Louis et Marc sont allongés dans un champ, au milieu des herbes hautes. Catherine est entre les deux jeunes hommes, une léger sourire aux lèvres. Marc semble en pleine méditation, son visage est détendu et ne laisse transparaître aucune expression. Louis, très mal à l'aise et agacé, se gratte d'abord l'avant-bras puis la jambe.

Marc : Tu veux bien arrêter de te plaindre ?

Louis : Je n'ai rien dit.

Catherine : Rire.

Marc : J'entends tes ongles gratter ta peau.

Louis : Quelle idée de venir ici.

Catherine : Profite du silence.

Louis : J'entends le silence toute la journée.

Marc : Je veux absolument me souvenir de ce silence quand je serai au milieu des combats.

Louis : Qui te dit que seras sur le front ? Tu resteras sûrement dans ta caserne.

Marc : Je n'espère pas ! Je ne me suis pas engagé pour ça.

Catherine : Tu vas beaucoup nous manquer. N'est-ce pas Louis?

Louis : Ouais. Sûrement.

Scène 2

Jour. Catherine, Louis et Marc marchent sur le bord d'une route.

Catherine est toujours entre les deux hommes. Elle tient le guidon de son vélo. Elle se sent lasse et un peu triste. Louis ne tient pas en place. Marc est lui excité par la situation. Il va bientôt réaliser son rêve.

Catherine : Tu crois que tu pourras nous écrire ?

Marc : Je ne sais pas. Peut-être pas avant plusieurs semaines.

Louis : Il paraît qu'ils te font vivre un enfer.

Marc : C'est de la discipline. On doit obéir. C'est peut-être ce qui nous permettra de gagner la guerre.

Louis : Laquelle ?

Louis est bien décidé à taquiner Marc.

Catherine : C'est vrai que tu ne nous as pas dit où tu partirais.

Marc : Parce que je n'en sais rien. Ce n'est pas moi qui décide.

Louis : Je trouve ça idiot de s'engager pour partir en guerre dans un pays qui n'est pas le mien.

Catherine : C'est le choix de Marc. Sache que l'on te soutient. On attendra de tes nouvelles.

Marc : Merci. Louis, je peux te parler.

Catherine prend de l'avance et se demande ce que peut bien vouloir Marc. Les deux hommes s'arrêtent l'un en face de l'autre. Marc est soudain inquiet alors que Louis est de plus en plus agacé. Marc pose une main sur l'épaule de son ami.

Louis : Qu'est-ce que tu veux ?

Marc : On se connaît depuis le jardin d'enfant. Tu es mon meilleur ami, mon frère.

Louis : Ouais.

Marc : Prends soin d'elle en mon absence.

Louis : C'est déjà ce que je fais.

Marc : Je sais mais c'est différent. C'est un ordre.

Louis : Je ne suis pas ton petit soldat !

Marc : Pardon. Je sais. Je peux compter sur toi ?

Louis : Bien évidemment ! Je la protégerai.

Scène 3

Nuit. Catherine et Marc. Devant la ferme de Jacques. On aperçoit les lumières à l'intérieur. Catherine s'arrête en tenant son guidon. La gêne s'en part d'elle. Elle est incapable de regarder Marc dans les yeux. Marc essaie lui de soutenir son regard.

Catherine : Je commence très tôt demain.

Marc : Le car part à 6h.

Catherine : Je viendrai te dire au revoir alors.

Marc : Catherine. Reste avec moi cette nuit.

Scène 4

Nuit. Chambre de Marc.

Catherine est assise sur le lit. La gêne a disparu, mais elle est de plus en plus triste. Marc met de la musique sur son tourne disque. Il vient ensuite s'asseoir par terre devant Catherine.

Catherine : Et si tu étais gravement blessé ou pire encore, tué ?

Marc : Rire.

Catherine : Je ne trouve pas ça drôle.

Marc lui prend les mains pour la rassurer.

Marc : Il ne faut pas penser à ça. Pense plutôt à toutes les personnes que je vais pouvoir aider, sauver.

Catherine : Pourquoi veux-tu absolument devenir un héros ?

Marc : Je l'ignore. Je pense que je ne me vois pas faire autre chose. Tu comprends, c'est un besoin. Mes parents ne m'ont jamais compris. Je refuse d'être enchaîné à une petite vie rangée. Je refuse d'être égoïste. 

Catherine : Ne crois-tu pas que tu es égoïste en partant et en laissant tes proches ici ? En me laissant moi ?

Marc : Tu attaches beaucoup d'importance à notre relation ?

Catherine : Pas toi ?

Marc : à genoux, il s'approche de Catherine et pose un main de chaque côté de son corps. Je t'aime, d'un amour sincère. Mais cette situation cachée commence à me peser.

Catherine : On ne peut pas faire ça à Louis !

Marc : un peu agacé par la réaction de Catherine. S'il est véritablement notre ami, il comprendra.

Catherine : Non, je refuse de prendre le risque de le perdre.

Marc : A ton tour, tu es égoïste.

Catherine : J'ai peur, tu comprends ? Avec un soupire, elle regarde Marc dans les yeux. Je suis capable de t'attendre.

Marc : Je ne te demande pas de m'attendre, Cathy.

Catherine : Et pourtant, c'est ce que je vais faire.

Scène 5

Levée du jour. Place du village.

Un quinzaine de personne attendent le départ d'un car. Tout le monde s'embrasse et se fait des accolades. Catherine et Marc s'approchent à leur tour. Ils s'arrêtent devant les soutes. Marc est bien plus anxieux que la veille. Catherine essaie de paraître joyeuse. Marc se tourne vers elle et dépose un long baiser sur son front. Catherine le prend alors dans ses bras. Elle est au bord des larmes mais se retient comme elle peut. Marc sert davantage son étreinte avant de la lâcher.

Catherine : Reviens moi.

Marc : Promis.

Marc monte dans le car, fait demi-tour et fait un signe de la main aux quelques habitants présents. Trois personnes se détachent pour s'avancer vers Marc avec le sourire.

Figurant 1 : Bonne chance, Marc.

Figurant 2 : Courage mon petit !

Figurant 3 : Reviens vite.

Marc prend place dans le car alors que celui-ci commence à rouler. Tout le monde le regarde partir puis la place se vide peu à peu. Seule, Catherine n'a pas bougé.

Scène 6

Jour. Marché.

Catherine, plongée dans ses pensées, s'approche d'une femme qui semble patienter au milieu des stands. Elle lui adresse un léger sourire.

Catherine : Bonjour Marie.

Marie : Catherine. Où est Jacques ?

Catherine : Il n'est pas arrivé ? Il doit être en route.

Marie : septique. Ça ne lui ressemble pas.

Un camion déboule à côté des jeunes femmes. Un homme descend, surpris de les voir. C'est Yves, le partenaire de Jacques, le beau père de Catherine.

Yves : Qu'est-ce que vous faites ici ?

Catherine : Yves, on est samedi. C'est jour de marché.

Yves, très sérieux, reprend avec un ton désolé.

Yves : Tu devrais rentrer chez toi, Catherine. C'est ta mère.

Catherine comprend tout de suite. Son visage se décompose et l'inquiétude se lit dans ses yeux. Elle se met alors à courir à toute vitesse.

Scène 7

Jour. Salon de la ferme de Jacques.

Jacques est assis dans un vieux canapé. Il fume une cigarette d'un air indifférent. Joseph, le prêtre du village, est accoudé à la vieille cheminée, plongé dans ses pensées.

Jacques : Ça va être long ?

Père Joseph : Tiré de sa rêverie, il redresse la tête. Je ne suis pas médecin, Jacques. Il faut appeler le docteur.

Jacques : il écrase sa cigarette. Pourquoi faire ? Il n'a jamais fait quoi que ce soit pour la soulager. 

Père Joseph : Tu sais bien qu'elle n'a jamais voulu être soignée.

Jacques : Je n'ai jamais été d'accord avec cela. J'aurai payé le traitement. J'aurai tout fait pour qu'elle puisse y avoir accès.

Père Joseph : s'approche de Jacques qui est toujours assis dans le canapé. C'était sa dernière volonté.

Jacques : Se lève et fixe de colère le prêtre. Tu parles comme si elle était morte ! Elle vit encore !

Catherine entre à ce moment précis, surprenant les deux hommes. Elle est très essoufflée et des larmes coulent sur son visage. Sa voix est étrangement rauque quand elle prend la parole.

Catherine : Je veux la voir.

Père Joseph : Bien sûr.

Joseph vient vers elle et lui prend le coude alors que la jeune femme fixe Jacques du regard. Ce dernier baisse la tête avant de se rasseoir.

Jour. Chambre.

Catherine entre la première dans la chambre. Elle s'arrête au pied du lit. Elle retient ses larmes, comme sa mère lui avait toujours appris, même si cette dernière ne la regarde pas. Joseph reste lui à la porte et s'y adosse.

Catherine : A-t-elle parlé ?

Père Joseph : Pas encore. Elle le fera quelques minutes avant de ...

Catherine : Oui. Dire que j'ai failli ne pas être là pour elle.

Père Joseph : Mal à l'aise, il change de position. Jacques est venu me voir hier soir. Il m'a dit que c'était pour bientôt alors je suis venu faire les dernières prières.

Catherine : Toujours en regardant le lit. Merci.

Père Joseph : Tu es là Catherine. On va pouvoir l'accompagner comme il se doit.

Scène 8

Fin de journée. Jardin.

Jacques fume encore une cigarette en regardant vers l'horizon. Catherine le rejoint. Lorsque Jacques se rend compte de sa présence, il baisse la tête et prend un grand soupire avant de commencer à parler.

Jacques : Je vais faire le nécessaire pour que l'on l'enterre rapidement. Elle aura un très bel enterrement, je te le promet Cathy.

Catherine : avec un rire cynique. C'est ça. A défaut d'avoir un vie, elle aura une belle cérémonie d'adieux.

Jacques : d'une voix douce. Cathy. Elle ne voulait pas être soignée.

Catherine : Tu l'as écouté. Tu as passé ta vie à l'écouter. A faire ce qu'elle voulait même quand c'était une grave erreur. Quand elle tombée dans l'alcool, tu l'as laissé chuter encore et encore. Entrant dans une grande colère. Tu n'as rien fait pour la faire sortir de cet enfer. Elle est morte par ta faute !

Jacques : Tu ne penses pas ce que tu dis.

Catherine : Oh que si ! Tu avais assez d'argent il n'y a pas si longtemps pour t'acheter ta came de merde. Quand il a fallu soigner ta famille, il n'y avait plus personne.

Jacques : Cela aurait été égoïste de faire quelque chose qu'elle ne voulait pas. Ce n'est pas en accords avec nos valeurs.

Catherine : Vous me faites chier avec vos valeurs ! Vous n'êtes que des lâches ! Je ne veux plus te revoir.

Catherine quitte le jardin déterminée. Jacques termine sa cigarette en replongeant son regard dans l'horizon.

Scène 9

Fin de journée. Dans le champs.

Catherine est seule, pensive. Louis s'approche doucement derrière elle.

Louis : Tu n'es pas seule.

Catherine : Elle se retourne. Louis. Je ne savais pas que tu étais là.

Louis : Je serai toujours là.

Ils échangent alors un long regard et se prennent la main.

Scène 10

Jour. Confessionnel, église.

Catherine prend un grande respiration et frappe sur la trappe du confessionnel. Immédiatement, le Père Joseph ouvre. En apercevant Catherine, il prend un air sévère.

Père Joseph : Je t'écoute mon enfant.

Catherine : Bénissez-moi mon père parce que j'ai pêché. Je suis enceinte. D'un homme qui n'est pas mon mari, ni même mon fiancé. De ce péché, j'en demande pardon à Dieu, et à vous mon père pénitence et absolution.

Joseph ferme très fort ses yeux. Puis se tourne vers Catherine.

Père Joseph : Qui est-ce ?

Catherine : Marc.

Père Joseph : Vas-tu lui dire ?

Catherine : avec un rire cynique. Non. J'ignore où il peut être. Il ne m'a jamais écrit. Et s'il ne revenait pas ? Elle secoue la tête frénétiquement. Je garde l'enfant bien sûr.

Père Joseph : Bien sûr ! Comment vas-tu faire ?

Catherine : J'habite chez la tante de Louis. Ils ont accepté de m'héberger le temps de la grossesse.

Père Joseph : Et Louis ? Qui est-il pour toi ?

Catherine : Mon meilleur ami, mon frère.

Père Joseph : Il faut donner un père à cet enfant, tu le sais bien. Sinon cela sera contraire aux principes de la communauté.

S'en est trop pour Catherine. Elle reprend en parlant très fort pour que tout le monde puisse l'entendre.

Catherine : Ne me parlez pas de vos valeurs ! Ce sont elles qui ont tué ma mère. Car elle pouvait être sauvée. J'élèverai cet enfant seule. J'en assumerai toutes les responsabilités. Et tant pis si cela fait causer les vieilles pipelettes du village !

Elle sort du confessionnal en trombe. Une femme l'attrape par le coude. La forçant à s'arrêter. Cette femme, d'un certain âge, prend un air supérieur avant de s'adresser à Catherine.

Femme : Félicitation Catherine ! Mais dites-moi, comment aller vous élever ce bébé ? Fêterons-nous bientôt un nouveau mariage ?

Catherine : Certainement pas !

Catherine laisse la femme-là, avec une expression de surprise que se transforme peu à peu en un sourire malicieux.

Scène 11

Jour. Temps nuageux.

Catherine sort d'une petite maison en bord de route. Son ventre de femme enceinte dépasse des pans de son manteau. Une voiture s'arrête. C'est Louis qui vient la chercher. Tous deux sont souriants et de bonne humeur. Catherine entre dans la voiture difficilement et cette dernière démarre.

Louis : Qu'a dit le médecin ?

Catherine : Tout va bien. Le bébé doit arriver dans moins d'un mois.

Louis : On devrait aller voir le Père Joseph pour le baptême.

Catherine : surprise. Un baptême ? Quelle drôle d'idée. Je te rappelle que mon bébé n'a pas de père. Je ne pense pas que Dieu soit en accord avec ça.

Louis : Il est possible d'arranger ça.

Catherine : Ah oui ? 

Louis bouge sur son siège et reprend avec le peu de confiance qu'il peu avoir.

Louis : Cathy. Laisse-moi reconnaît ton bébé comme mon enfant. Je serai un bon père, crois-moi. Je lui donnerai beaucoup d'amour. Avec mon travail, je peux largement subvenir à vos besoins. Épouse-moi.

Catherine ne peut s'empêcher de partir en fou rire. Louis lui jette un regard noir. Catherine comprend qu'il est sérieux et s'arrête immédiatement.

Catherine : Serais-tu devenu fou ? Enfin Louis. Tu ne peux pas m'épouser pour ça. Et je ne peux pas te demander d'être le père d'un enfant qui n'est pas le tien. Tu rencontreras quelqu'un qui te donnera ton enfant. Peut-être même plusieurs.

Louis : lasse. Tu ne vois donc rien. Tu ne comprends rien. Je t'aime, Catherine. Je suis amoureux de toi depuis toujours. Je veux que tu sois la mère de mes enfants et la femme avec qui je veux partager ma vie. Épouse-moi.

Catherine : gênée. Non, je ne peux pas.

Louis : Pourquoi ?

Catherine : Je ne t'aime pas Louis. Je ne t'aime pas comme toi tu m'aimes. Tu es mon frère.

Louis : Mais je ne veux pas être ton frère ! Tu peux apprendre à m'aimer avec le temps. J'en suis sûr.

Catherine : Tu dis n'importe quoi ! Je ne pourrai pas tomber amoureuse de toi parce que...

Louis : Parce que tu attends Marc ? Pauvre fille ! Il ne reviendra jamais. Si tu veux mon avis, il est sûrement avec une autre femme à l'heure qu'il est. Arrête d’espérer quoi que ce soit de lui.

Choquée, Catherine regarde la personne qu'elle pensait connaître. La colère puis le dégoût se lit sur son visage. C'est avec détermination qu'elle reprend.

Catherine : Ça suffit ! Arrête la voiture.

Louis : Quoi ? Je ne vais pas te laisser au milieu de nul part.

Catherine : Fais ce que je te dis !

Louis freine un coup sec et Catherine sort aussi vite qu'elle le pouvait avant de se retourner.

Catherine : Je ne pourrai jamais t'aimer parce que tu es pathétique ! Comment pourrais-je tomber amoureuse de quelqu'un capable de dire des paroles aussi blessantes ? Les sentiments ne se contrôlent pas ! Si nous ne nous comprenons pas alors il vaut mieux ne plus nous revoir.

Louis : Un point sur lequel nous sommes d'accord !

Scène 12 

Nuit. Porte d'entrée de la ferme de Jacques.

Joseph se trouve devant la porte d'entrée. Il frappe une première fois, légèrement. Voyant que personne ne venait ouvrir, il se racle la gorge et recommence, beaucoup plus fort cette fois. Catherine ouvre alors. Elle rigole doucement en secouant la tête.

Père Joseph : Je savais que je te trouverai ici.

Catherine : avec un ton théâtral. Bien sûr. Le Père Joseph sait toujours tout. Ou peut-être que vous étiez au café du village et que vous avez entendu l'histoire de la pauvre Catherine qui est rentrée courbant l'échine, dans la maison familiale parce qu'elle s'est disputée avec le très gentil Louis. Le pauvre homme pouvait lui offrir le pardon du Seigneur. Reprenant son sérieux. Le secret n'est pas un principe très pratiqué dans le coin.

Joseph tape alors du pied, montrant que ce n'était pas le moment pour les sarcasmes.

Père Joseph : Je peux entrer ?

Catherine : Bien sûr.

Elle s'efface pour le laisser passer. Joseph rentre dans le salon de Jacques. Ce dernier, qui était assis sur le canapé, se lève. La visite de Joseph n'était pas prévue. Catherine rejoint Jacques et reste à côté de lui.

Jacques : Joseph. Tu es là pourquoi ?

Joseph les regarde tout à tour puis ses yeux s'arrêtent sur le ventre rebondit de Catherine.

Père Joseph : Catherine, tu devrais t'asseoir.

Catherine : Croisant les bras. Je suis très bien debout.

Jacques : Tu nous fais peur.

Il se rapproche davantage de Catherine et place une main dans le dos de cette dernière. Catherine incite le prêtre à continuer. Ce qu'il fait après une grande inspiration.

Père Joseph : J'ai passé la journée avec les proches de Louis. Il a eu un grave accident de la route cette nuit. Catherine. Il est mort sur le coup.

Catherine tombe en arrière, le souffle coupé. La tristesse et la culpabilité se lit sur son visage. Elle a alors du mal à respirer. Son visage commence à se tordre sous la douleur.

Jacques : Joseph, regarde.

Père Joseph : Elle est en train de perdre les eaux. Va chercher ta camionnette.

Scène 13

Jour. Temps nuageux. Dans le champs, après l'enterrement de Louis.

Catherine est seule une nouvelle fois. Elle semble plongée dans ses pensées lorsqu'elle aperçoit Joseph. Ils échangent un regard avec de se tourner vers l'horizon. Joseph ferme les yeux et respire fortement. Catherine, gênée, prend la parole d'une voix légère.

Catherine : Je ne savais pas que la tante de Louis chantait bien.

Père Joseph : En fait, Louis chantait très bien aussi. Il faisait partie de notre chorale.

Catherine : Vous plaisantez ?

Père Joseph : Voyons Catherine !

Catherine : Pardon. C'est que... Je me rends compte que je ne savais pas tout sur lui.

Père Joseph : avec le sourire. Il avait demandé aux autres de garder le secret. Il ne voulait pas être jugé. Et le chœur a tenu parole. Comme quoi, le secret est possible ici comme partout ailleurs. Il faut cependant tomber sur les bonnes personnes.

Catherine : Je comprends. Marc et moi n'étions pas au courant. Est-ce qu"il nous considérait vraiment comme ses amis finalement ?

Joseph prend le temps de réfléchir avant de répondre.

Père Joseph : Lui s'est comporté comme tel en tout cas. Quand Marc et toi avez commencé votre relation, il est venu me voir. Il se demandait comment une bêtise comme l'amour pouvait détruire une amitié. Je n'avais pas de réponse à lui apporter, à part le fait que les sentiments ne se contrôlent pas. Il a fait le choix d'ignorer ce qu'il se passait pour ne pas briser votre amitié à tous les trois. Et il a continué à en faire de même quand il a su que tu étais enceinte.

Catherine comprend alors que son secret n'en avait jamais été un et la gêne est de plus en plus visible sur son visage.

Catherine : Il a toujours su pour Marc et moi ?

Père Joseph : Cela crevait les yeux!

Catherine : Dire que je lui ai dit que je ne l'aimerai jamais parce qu'il était le pire ami qui existait sur Terre. Je m'en veux véritablement. C'est la dernière chose que je lui ai dit.

Joseph fronce les sourcils et balaie cette remarque de la main.

Père Joseph : Ne pense plus à cela. Il faut garder en mémoire tous les bons moments et aller de l'avant. Pour toi, pour ton fils.

Catherine : Comment ? Le Seigneur m'a tellement mise à l'épreuve.

Père Joseph : Il voulait voir s'il pouvait compter sur toi.

Catherine regarde Joseph dans les yeux et chuchote presque.

Catherine : Entre nous, ce sont des conneries n'est-ce pas ?

Joseph lève les épaules et sourit à Catherine.

Père Joseph : Je te laisse en juger. Je ne suis que le messager. Mais si tu es encore là et que la vie t'a donné un enfant, c'est pour une bonne raison.

Catherine : Ça laisse réfléchir, en effet.

Père Joseph : J'oubliai. J'ai reçu ça hier. Je pense que tu devrais la lire.

Joseph sort un petit paquet blanc de sa poche intérieur. Il tend l'enveloppe à Catherine. Cette dernière la prend d'un main tremblante. Elle sait qu'il s'agit d'une lettre de Marc. Elle remercie le prêtre d'un hochement de la tête. Joseph s'en va.

Scène 14

Voix off.

"Mon père.

Au moment où vous lirez cette lettre je serai en chemin vers le Congo. Après plusieurs tentatives pour éviter le conflit entre le différents états, la guerre a éclaté il y a peu. Je serai là-bas pour les deux prochaines années.

Je vous écris six mois après mon départ. J'en suis désolé. Pour être franc, je n'ai pas de raison à vous donner. Je pense que j'ai repoussé encore et encore ce moment car j'avais peur des réactions des habitants du village. Oui, je sais que tout le monde aura pris connaissance de cette lettre. Je vous écris à vous car vous m'avez toujours soutenu dans cet engagement et que vous ne me jugerez jamais. C'est autre chose en ce qui concerne mes parents. Comment vont-ils? Ma mère a dû pleurer toutes les larmes de son corps en apprenant mon départ. Mon père a dû rentrer dans une colère noire. Me considèrent-ils encore comme leur fils ? Je ne suis pas encore prêt à assumer mon choix les concernant. Vous-même connaissez la complexité de la relation que je peux avoir avec mon père. Toujours dans le conflit et la confrontation, jamais de reconnaissance. Moi-même, je n'en ai jamais eu pour lui. Je me rends compte que je lui ressemble beaucoup.

Comment vont les autres ? Louis cherche toujours à devenir riche ? C'est étonnant comment les choix sont dictés par notre environnement social. Moi qui n'ai jamais manqué de rien, je veux revenir aux sources quand d'autres ne cherchent que la richesse. J'espère qu'il est heureux. Comment va Catherine ? Travaille-t-elle toujours pour Jacques ? Est-elle toujours aussi belle ? Je sais ce que vous vous dites "Tu aurais pu lui écrire quand même!". C'est vrai, et je ne l'ai pas fait par peur d'apprendre des choses qui me déplaisent. Je l'aime, mon père. Je suis fou d'elle. Je m'en suis véritablement rendu compte en partant. Je lui ai dit de ne pas m'attendre mais je pense qu'un fond de moi je l'espère.

Je pars au Congo en me rappelant le silence de la campagne et les senteurs des marchés, en me remémorant les soirées dansantes sur la place de l'église et les accordéons des anciens. Ne me répondez pas. Laissez-moi imaginer la vie là-bas au village. C'est ce qui me permettra de surmonter ce manque.

Amicalement. Marc"

Scène 15

Jour d'été. Au milieu du champ.

Catherine avance au milieu des herbes hautes avec son fils dans les bras. Jacques les suit de près. Catherine pose alors le petit garçon et Jacques lui tend une balle. L'enfant la prend et s'éloigne en essayant de taper la balle avec ses pieds. Les deux adultes restent là le sourire aux lèvres. 

Catherine : Je ne t'ai jamais remercié pour ce que tu as fait pour nous.

Jacques la regarde et se pince les lèvres.

Jacques : Ah Cathy ! Tu n'as pas besoin de me dire merci pour quoi que ce soit. Je t'ai toujours considéré comme ma fille et tu le sais. Ce petit ange est un cadeau béni. En réalité, c'est moi qui doit te remercier. Quand tu es revenu à la maison j'étais sur le point de rechuter. Une première dose, puis une deuxième et une troisième. J'étais persuadé que c'était ce qu'il me fallait. Tu avais raison, si j'avais soigné ta mère...

Le vieil homme finit par perdre sa voix. Catherine l'arrête d'un geste de la main. Ils s'avancent un peu pour ne pas perdre l'enfant des yeux.

Catherine : Elle t'en aurait voulu. Je pense en réalité qu'elle voulait en finir avec la vie et cela depuis longtemps. Elle devait nous cacher beaucoup de chose sur son passé, sa jeunesse et ses parents. Elle n'en a jamais parlé et il ne fallait surtout pas lui poser de questions. Nous lui avons apporté beaucoup de bonheur. Et toi beaucoup d'amour. Je le comprends aujourd'hui.

Jacques : Oui. Et aujourd'hui, c'est à ton fils que l'on va donner tout cet amour.

Comme pour affirmer ses mots, jacques regarde l'enfant, un peu plus loin dans les herbes. Son sourire disparaît d'un coup. Catherine suit son regard. Au loin, une silhouette se détache des herbes. Catherine s'approche alors de son fils avec la forte volonté de le protéger. Mais lorsqu'elle reconnaît enfin l'homme qui s'approchait d'eux, elle laisse l'enfant à Jacques et marche en direction de cette silhouette. Marc est rentré.

FIN

 

 

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