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La vie et ses soupirs

L'île enchantée - Chapitre 6

Ça pour l’avoir refait… Le musée ne ressemble en rien à ce que j’ai pu connaître pendant mon enfance. Dès l’accueil, on remarque un changement. Tout est déplacé et décoré avec goût. Les pierres apparentes se mélangent très bien avec la borne d’accueil moderne et démesurée.

Par surprise, on me conduit directement vers la personne chargée de l’exposition. Une femme qui doit approcher de la cinquantaine, habillée de manière très chic et un peu décalée. Une métropolitaine, cela se voit.

- Bonjour Mademoiselle. Nathalie Perchappe, commissaire de l’exposition permanente du château.

- Enchantée. Margaux Desbois.

- Alors, qu’est-ce qui vous amène jusqu’ici ?

- Eh bien je suis à la recherche d’un emploi saisonnier. J’ai appris que le musée de Noirmoutier venait d’être refait. Je suis originaire de Barbâtre mais je fais mes études en lettres classiques à Brest. Je me suis dit que le poste de médiatrice me conviendrait parfaitement.

- Effectivement. Votre profil est intéressant. Vous avez un curriculum vitae, dit-elle alors que je lui tendais déjà le document. Parfait.

Elle le parcourt rapidement et ponctue sa lecture par des hochements de tête et des haussements de sourcils. Elle semble pensive d’un seul coup.

- Desbois, Desbois… Ce nom me dit quelque chose. Vous ne seriez pas en famille avec Marie Desbois ?

- Marie Desbois est ma mère, dis-je stupéfaite après un mouvement de recul.

Son visage s’illumine alors. Elle pose tous ses papiers sur le bureau et vient même s’assoir à côté de moi.

- Seigneur, la fille de Marie. Maintenant que vous me le confirmez, vous lui ressemblez beaucoup. Comment va-t-elle ?

 - Elle est décédée, madame, répondais-je doucement.

Elle se couvre alors la bouche comme pour empêcher une autre remarque maladroite de sortir.

- Je suis tellement désolée.

- Vous ne le saviez pas. Cela fait 15 ans maintenant.

- 15 ans ? Elle est morte si jeune, dit-elle pensive.

- Comment pouvez-vous connaître ma mère ?

A cette question, elle rigole et s’installe dans le fond de son siège.

- Cela ne voit pas mais je suis une enfant du pays. Mes parents possédaient la plupart des marais de l’Epine. J’allais à l’école avec votre mère. Jusqu’au lycée. On ne s’entendait pas très bien à vrai dire. Son père a toujours détesté le mien. Pour des raisons professionnelles principalement. Et malheureusement, nous reproduisions le même schéma. Après le bac, je suis parti faire mes études à Paris. J’ai rencontré mon mari là-bas alors j’y suis restée. Mon père est décédé il y a peu. J’ai voulu me rapprocher de ma mère.

- Je suis désolée pour votre père.

- Vous ne pouviez pas savoir, me dit-elle doucement. Qu’en est-il du votre ?

Question délicate ! Je n’ai jamais su qui il était et ma grand-mère n’a jamais réussi à le savoir. Ma mère était très discrète sur sa vie amoureuse. Tout ce que je sais c’est que Lise et moi n’avons pas le même père.

- Je ne sais pas qui il est, madame.

- Vraiment ? Étonnant de la part de Marie. Si elle ne vous l’a jamais dit c’est elle avait ses raisons. Peut-être que ses amis de l’époque le savaient eux. Je sais qu’ils vivent toujours ici.

- Qui étaient ses amis ?

Elle hésite à me répondre. De quoi peut-elle avoir peur ? Ce n’est pas top secret. J’ai besoin de connaître la vie de ma mère. Le silence a assez duré.

 - S’il vous plaît. J’étais très jeune quand elle est morte et j’ai une petite sœur. Vous êtes peut-être la seule personne qui peut me donner des informations sur elle.

- Très bien. Mais vous acceptez de travailler pour moi jusqu’à la fin de la saison.

- Avec plaisir !

- Comme je vous l’ai dit, je ne m’entendais pas très bien avec votre mère. Je lui créais notamment une mauvaise réputation. Je faisais courir des rumeurs comme quoi c’était une sainte nitouche et qu’elle couchait avec tous les garçons. Les adolescents peuvent être cruels entre eux, s’empresse-t-elle de dire en voyant mes gros yeux. Ce n’était pas très difficile car elle traînait toujours avec deux garçons. Je savais qu’il ne s’était jamais rien passé mais j’en jouais. Attendez que je retrouve leurs noms… Oui ! Henri Merlant et Eric Masso. C’est bien ça. Ils étaient inséparables ces trois-là. Ils pouvaient passer des heures à...

Alors qu’elle continue de parler mon cerveau est déjà ailleurs. Ça y est, j’ai la réponse à ma question. Je vais enfin pouvoir comprendre ce qui s’est passé.

Je retrouve Noha sur la place de l’église de l’Epine. Il a répondu à mon invitation avec plaisir. Cela fait longtemps que l’on n’avait pas mangé ensemble. Quant à moi, je vais pouvoir me libérer en échangeant enfin sur le passé de ma famille qui, j’en suis sûre, a un lien avec celle de Noha.

Le reste de l’entretien avec Nathalie Perchappe s’est très bien passé. Après l’avoir remercié pour ses informations, elle m’a fait faire le tour du propriétaire. Le musée est magnifique même s’il n’est pas fini d’être installé. Je pense que je vais prendre beaucoup de plaisir à travailler dans cet environnement.

Je tourne la tête et vois Noha arriver. Habillé en t-shirt et jean, il a l’allure d’un jeune de 17 ans. Je remarque qu’il est de bonne humeur. On devrait passer une bonne soirée. On s’installe alors en terrasse d’un restaurant sur le port et commande un apéritif.

- Alors Lise est rentrée saine et sauve, demande-t-il.

- Oh oui ! Plus de peur que de mal heureusement. J’avais oublié combien on peut être stupide à cet âge-là.

- Tu n'as l’as jamais été, dit-il en rigolant.

- Certes. Et toi ? Je sais que la soirée ne s’est pas passée comme prévu hier.

- Effectivement. Mon père a organisé un dîner de haut standing avec les derniers aristocrates de l’île. Pour l’occasion il a fait rentrer ma sœur à la maison. Sauf qu’il n’avait prévenu personne, même pas ma mère. Et quand monsieur veut quelque chose, il se fiche bien de ton programme.

- Comment va ta sœur, demandais-je pressée.

- Je n’en sais rien. Elle n’a pas l’air si contente d’être rentrée. En même temps, mon père l’a limite présenté comme un trophée. Les familles ont des fils de son âge alors tu comprends.

- Tu crois vraiment que ton père lui cherche un mari ? Mais elle n’a que 16 ans !

- Mon père cherche un gendre depuis le jour de sa naissance, lâche-t-il d’un coup.

- Comment peut-il fait ça ? Ce n’est qu’une enfant !

- J’aimerais la protéger. Mais je ne suis déjà pas capable de m’occuper de moi.

- Ne dis pas de bêtise. Mais dis-moi, ton père n’a pas toujours été comme ça ?

- Je ne sais pas. Moi, en tout cas, je l’ai toujours connu aussi possessif.

A ce moment, un serveur arrive avec nos verres et prend note de notre commande par la suite. Je décide, une fois le serveur parti, de parler de choses qui fâchent.

- Noha. Tu sais que nos parents ont été amis quand ils avaient notre âge ?

En entendant ces mots, il recrache la gorgée de vin blanc qu’il venait de prendre. Après une bonne quinte de toux, il respire un bon coup et me regarde dans les yeux.

- Nos parents ? Tu veux dire, ma mère et la tienne ?

- Non, ton père et ma mère. Pendant des années. Apparemment, ils faisaient les quatre cents coups ensemble.

- Mon père traînait avec une fille d’agriculteur ? Ne le prend pas mal, dit-il en voyant mon regard noir. Mais jamais je n’aurai imaginé ça.

- Après tout, il m’accepte bien moi.

- Oui, ben maintenant, je comprends pourquoi. Mais comment tu l’as su ?

- La commissaire du musée de Noirmoutier est une ancienne camarade de classe de ma mère. Attends, ce n’est pas tout. Nos parents traînaient avec une troisième personne, Eric Masso.

 - Le père d’Alexandre, dit-il pensif.

- Exactement. On dirait que l’histoire se répète.

- Espérons que tu ne finiras pas comme ta mère.

- J’espère aussi. Les flics ne s’attarderont pas sur les circonstances de ma mort.

- Pourquoi tu dis ça ?

- L’affaire de l’accident de ma mère a été classée en trois jours.

- Impossible. Il faut plusieurs semaines pour faire un simple test ADN à l’époque.

- Peut-être qu’il n’y a pas eu de test.

- C’est obligatoire, Margaux.

- Pff ! Je ne sais pas. Il faudrait que je parle à mon grand-père. Lui connaît tout concernant l’enquête.

- Tu veux vraiment savoir tout ce qui s’est passé ?

- Bien sûr ! Pourquoi cette question ?

- Et si tu apprenais des choses horribles sur ta mère, comment réagiras-tu ?

- Peu importe. Je veux savoir et à n’importe quel prix, dis-je avec fermeté.

- Bon. Tu peux compter sur mon aide, dit-il en buvant une gorgée de son verre. Le mystère de la photo est résolu, c’est déjà ça.

 

Mon premier jour au musée était incroyable. Malgré les heures de blabla de madame Perchappe en ce qui concerne les règles de sécurité et de savoir-vivre avec les visiteurs, j’ai appris beaucoup de choses en matière de muséographie. Pour la saison, nous sommes 5 médiateurs. Chacun d’entre nous va prendre à tour de rôle l’accueil et la surveillance en salle. On m’a attribué la salle de la guerre de Vendée, une période que je connais assez bien. A la pause du midi, nous nous retrouvons avec une des médiatrices en terrasse d’un café.

- Alors Mylène. Tu n’es pas originaire de l’île, c’est ça ?

- Incroyable ! Vous avez un vrai radar ma parole !

- Pardonne-moi. Je pense que l’on ne le fait pas exprès.

- Ne t’inquiète pas. Effectivement, j’habite à Brest. Je suis sur l’île pour les vacances.

- Tu fais des études de muséographie, c’est ça ?

- Oui. Une petite reconversion. J’étais dans la police avant.

- Une petite reconversion ? Un virage radical, oui !

- Ouais. Cela ne me convenait plus.

- En tout cas, je te souhaite la bienvenue chez nous.

- Enfin, ce n'est pas trop tôt, hurle-t-elle avec un grand sourire.

 

Quelques jours plus tard, je rentrais tard du travail car nous devions faire la mise en place d’une nouvelle salle. Mes grands-parents avaient déjà dîné. Ma grand-mère était en train de coudre sur la terrasse, la radio allumée.

- Bonsoir.

- Ah, Margaux. Je commençais à m’inquiéter. Tu rentres tard.

- Oui, je sais. Pas la peine de me préparer à manger, m’empressais-je de dire en la voyant se lever. Je n’ai pas faim.

 - Tu es sûre ? Je peux le faire pour toi.

- Non, merci. Il fait encore chaud.

- Oui. L’été commence vraiment.

- Où est Lise ?

- Sur la plage. Je la soupçonne de voir quelqu’un.

- Ah oui ?

- Elle m’a limite supplié de la laisse sortir.

- Je vais la voir.

La plage est à 2 minutes à pied. Il suffit de descendre la rue d’à côté pour finir les pieds dans le sable. C’est l’heure de la marée basse. L’étendue de sable est impressionnante. Les vagues font un bruit léger alors que le soleil commence doucement à descendre sur l’horizon de la mer. Je décide de rester sur les hauteurs afin d’avoir une vue d’ensemble. La plage comptait quelques habitués. Un couple et des jeunes enfants trempaient leurs pieds dans l’eau. Une femme avait lâché ses chiens afin qu’ils puissent se dégourdir les pattes. Et entre les rire d’enfants et les aboiements, on peut reconnaître les cris d’une jeune femme. Au loin, un jeune couple se chamaille et s’embrasse langoureusement. Evidemment, je reconnais immédiatement Lise. Apparemment, Nathan est rentré de Paris. L’épisode de la fugue est désormais bien loin dans la tête de ma sœur. Il faudra surveiller cette histoire de très près. J’avoue que j’ai un peu peur de la tournure que cela pourrait prendre.

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